«Nous voulons que les femmes accouchent dans un environnement sûr, avec l’assistance de personnel qualifié, dans des établissements bien équipés. Néanmoins, la médicalisation croissante des processus d’accouchements normaux diminue les capacités propres des femmes à accoucher et influe négativement sur leur expérience de l’accouchement».
C’est la déclaration de la docteresse Princess Nothemba Simelela, Sous Directrice générale de l’OMS, à l’occasion de la diffusion des nouvelles recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé concernant l’accouchement, le 15 février 2018.
On peut également lire dans le communiqué de l’OMS que « les interventions inutiles pendant le travail sont très répandues, quel que soit le niveau de revenu des pays » et que « Obtenir les meilleures issues possibles sur les plans physique, affectif et psychologique pour la femme et son enfant suppose un modèle de soins dans lequel les systèmes de santé accordent aux femmes plus de pouvoir de décision pour bénéficier des soins destinés principalement à la mère et à l’enfant. »
Dans une déclaration complémentaire (que je n’ai trouvée qu’en anglais à ce jour) intitulée -que ça fait plaisir!- « A « good birth » goes beyond having a healthy baby », Mme Nothemba Simelela affirme que les forts manques de respect et interventions abusives pendant l’accouchement, dans toutes les régions et les cultures, peuvent complètement assombrir l’un des moments les plus fondamentaux de la vie d’une femme, le jour où elle accueille son enfant (« Women are also reporting high levels of disrespect and abusive care during facility-based childbirth in all regions and cultures. This can totally overshadow one of the most pivotal moments in a woman’s life – the day she welcomes her baby into the world. »)
Donner à la femme la place centrale dans les soins qu’on lui porte, accueillir les bébés et accompagner les accouchements dans la plus haute qualité de soins possibles, dans leur composante physique et médicale ET AUSSI dans les aspects affectifs, émotionnels et psychologiques des soins, quelle belle ambition et quelles recommandations fortes l’OMS propose aujourd’hui! En 2018. Selon l’OMS, les soins de « haute qualité » doivent impliquer aussi le ressenti de la femme pendant l’expérience de son accouchement, ressenti qu’elle souhaite, évidemment, positif.
« We cannot keep our focus solely on survival » (Dr Nothemba Simelela) / « On ne peut pas se concentrer uniquement sur la survie »
De fait, en lisant cela, j’ai ressenti beaucoup de joie, que l’aspect affectif, émotionnel, psychologique, évidemment immense lors d’une expérience qui est celle de « donner naissance », soit enfin reconnu et que l’institution-référence au niveau mondial recommande officiellement de le prendre en compte. Et en même temps, il y a encore une partie de moi qui me dit « Oui bon OK, mais enfin, te plains pas, le plus important c’est que tu ailles bien et ton bébé aussi…OK, tu as eu des interventions que tu n’as pas demandées, dont on ne t’a pas informée, tu n’as pas été écoutée à certains moments, mais bon, tu vas bien et c’est passé. Ton bébé vit et est en bonne santé ». Cette voix existe toujours, et je n’ose pas tout à fait, encore, me dire: « Oui, j’aurais aimé accueillir mon bébé dans un environnement rassurant et chaleureux, j’aurais aimé bouger librement pendant l’accouchement…J’aurais aimé être écoutée, j’aurais aimé qu’on m’informe mieux, notamment sur l’épisiotomie…. ». Survivre oui, et pas seulement survivre, mais oser VIVRE, aussi. Vivre, avec mes besoins, mes souhaits, ce qui est important pour moi. Parce que ce que je sais, aussi, c’est que nos émotions, nos peurs par exemple, influencent notre organisme et que la façon dont on se sent, plus ou moins en confiance, intimement, influence nos décisions, notre comportement et celui de notre corps dans des moments de vie aussi intenses et uniques.
Un jour (prochain j’espère), je souhaite pouvoir affirmer cela sans un pincement de mauvaise conscience. Lire ces recommandations, posées à la face du monde, que je peux poser, moi, devant mes yeux, que je peux montrer autour de moi, ça me fait du bien, ça renforce ma voix, ça me donne plus confiance.
Et je souhaite que ce soit le cas pour des milliers d’entre nous!
Toutes les infographies ainsi que le texte complet (en anglais) des recommandations de l’OMS (212 pages) dont disponibles en téléchargement sur le site de l’OMS: http://www.who.int/reproductivehealth/publications/intrapartum-care-guidelines/en/