C’est un sujet délicat et sur lequel on trouve finalement assez peu d’informations, de témoignages, d’articles sur internet. Dans cet article de 2013, on peut lire qu’une femme sur 4, au moins, est « concernée » par une fausse couche. C’est un chiffre souvent cité, parfois on lit aussi 1 sur 3. Quelles que soient les statistiques, pour avoir moi-même traversé, deux fois, cette expérience, j’ai constaté que c’est un sujet dont les femmes parlent peu: quand je l’ai dit autour de moi (je n’avais pas attendu les 3 mois « habituels » pour dire que j’étais enceinte), plusieurs femmes de mon entourage m’ont dit avoir vécu la même chose sans jamais en parler.
Dans les lignes qui suivent, je vais décrire volontairement assez précisément et factuellement ce qui s’est passé physiquement et médicalement, car je trouve que pour comprendre un peu plus concrètement ce type d’événement, c’est nécessaire.
Dans mon cas, suite à une échographie montrant que l’embryon ne se développait plus, la fausse-couche a été « déclenchée » médicalement. C’est-à-dire que, suite à l’échographie, nous avons été (mon mari et moi) aux urgences, où un gynécologue m’a donné un médicament à prendre: le cytotec. La première fois, n’ayant pas été correctement informée, je l’ai pris le soir, ce qui nous a valu un aller-retour de quelques heures aux urgences en pleine nuit car j’étais inquiète des forts saignements qui avaient commencé. Le médecin de garde qui nous a accueillis nous a alors dit que j’aurais dû être prévenue de ne pas prendre ce médicament le soir, précisément pour éviter de commencer à saigner abondamment la nuit. Elle m’a indiqué que ce n’était pas une hémorragie, même si cela saignait beaucoup. Je me rappelle bien qu’elle m’a dit: « une hémorragie c’est quand ça saigne comme ça: et elle a ouvert un robinet d’eau ». A l’échographie de contrôle une semaine plus tard environ, ils ont constaté que « tout n’était pas parti », et re-cure de cytotec (et re-échographie la semaine suivante). Quelques années plus tard, même scénario, sauf que là, il y a réellement eu hémorragie (pas tout de suite après la prise du cytotec: j’avais arrêté et saigner, et cela a recommencé quelques jours plus tard) et j’ai fini aux urgences, avec un curetage, en pleine nuit aussi. Quitte pour une demi-journée à la clinique et plusieurs jours HS, quelques semaines pour récupérer parce que j’avais perdu beaucoup de sang.
Maintenant, je vous laisse, si vous le voulez, lire cet article sur le Cytotec publié en octobre 2017: « Le Cytotec, médicament détourné de son usage, va être détourné du marché ».
Je livre ici un témoignage assez factuel, car je pense qu’il serait important d’être mieux informée lorsqu’une situation similaire se présente. Quand j’ai posé, la première fois, la question à l’échographe de savoir si je pouvais attendre que l’expulsion se produise d’elle-même, il m’a répondu que oui, je pouvais, mais je prenais le risque d’une infection et qu’il nous conseillait plutôt d’aller à l’hôpital. Idem la deuxième fois (après avoir vu mon médecin généraliste après l’échographie). J’ai tenté la deuxième fois d’attendre, mais psychologiquement c’était pour moi trop difficile, trop inquiétant, sans soutien ni conseil médical ou para-médical. Mon entourage était très présent mais lui aussi dépourvu d’information supplémentaire.
J’ai trouvé, par la suite, quelques témoignages de femmes qui ont laissé faire leur corps pour qu’il expulse ce qui doit l’être quand il est prêt. Ce n’est pas facile, et je ne sais pas si j’aurais pu le faire, mais il est utile, je pense, d’avoir des témoignages et des conseils pour nous aider à prendre des décisions, nous aider à nous écouter dans ces moments bouleversants et emplis de tristesse et de doutes. Celui de Marie-Hélène Lahaye, auteure du blog (aujourd’hui hors ligne car Le Monde a supprimé ses blogs) « Marie accouche là », m’avait marquée. Vous pouvez aussi lire celui, précis et authentique, de Kaia sur son blog: « Le récit de ma fausse-couche naturelle ».
(Mise à jour 04/05/18) J’ajoute ici le témoignage, authentique, touchant et cru, aussi venu du Canada, de Karine, qui a choisi de vivre cette fausse-couche chez elle et raconte ce qu’elle a fait, ressenti, et sa façon de faire sa place à cette vie venue et repartie : Une fausse-couche pleine de grâce.
De mon côté, je savais que j’avais besoin d’entendre des choses à ce sujet, de comprendre, de faire quelque chose aussi. Même une fois ma santé retrouvée. Et c’était difficile de trouver, quoi, qui, comment…Tellement d’émotions et de questions apparaissent et se mêlent dans ces moments. La culpabilité (qu’est-ce que j’aurais pu faire autrement? aurais-je pu éviter ça?…), la tristesse, la déception, l’incompréhension, la peur (est-ce que je pourrai avoir des enfants? pourrai-je être enceinte à nouveau?…), auxquelles s’ajoutent la fatigue, les rendez-vous médicaux, les douleurs parfois. A cette époque, je participais parfois à des ateliers de constellations familiales, et j’en ai fait, les deux fois, sur le sujet. Cela m’a permis de faire une place à ce qui s’était passé et à reconnaître ces vies qui avaient commencé en moi, même si elles s’étaient arrêtées très tôt. C’est une démarche que je trouve vraiment utile et intéressante, et si vous souhaitez la faire, je vous invite à rechercher un professionnel de confiance. Les séances auxquelles je participais étaient animées par Lucien Essique (auteur du livre « Les constellations familiales, un chemin vers l’acceptation et l’amour », Éditions Dangles, 2013).
Nous avons fait, mon mari et moi, un rituel symbolique pour dire « au revoir ». Quelques années plus tard, j’ai eu besoin de refaire un travail individuel, thérapeutique, sur ce sujet. Quand j’y repense, je me dis que les divers médecins que j’ai croisés lors des deux fausses couches que j’ai vécues, auraient été bien inspirés de me conseiller d’aller voir un psychologue ou chercher un soutien thérapeutique, ce qu’ils n’ont pas fait. Kaia, dont je parle plus haut, fabriquait de jolies images comme celle du début de cet article, pour « dire au revoir« , faire une place, dans un rituel ou autre, à ce qu’elle appelle joliment « les étoiles filantes ».
Brigitte Laurent, thérapeute à Narbonne, a écrit ce bel article au sujet de son expérience personnelle et de rituels qu’elle propose : Rituel pour nos bébés qui ne sont pas nés (2015).
J’avais également beaucoup apprécié de lire le post de Mark Zuckerberg, qui a témoigné, en 2015, avoir vécu avec son épouse trois fois cette épreuve avant d’accueillir leur bébé. Il y encourage les gens (hommes et femmes) à parler de ce sujet et veut aussi faire savoir qu’il est possible, après des fausses couches, d’accueillir des bébés en pleine santé. Je le rejoins et témoigne également en ce sens! « We hope that sharing our experience will give more people the same hope we felt and will help more people feel comfortable sharing their stories as well. »
Simplement, je souhaite, et c’est le but de tous les articles de ce blog, que l’information soit plus accessible, plus grande, plus variée, et de meilleure qualité, que ce soit de la part des professionnels médicaux qui nous accueillent, ou bien dans les médias de façon générale, ou bien, comme ici, des initiatives individuelles avec des témoignages authentiques. Et déjà, prenons la parole, nous qui vivons ces expériences!
(Mise à jour 28/07/18) Juillet 2018: un nouveau groupe de soutien vient de voir le jour sur Facebook, il s’appelle La petite graine qui n’avait pas poussé, et si vous recherchez des informations ou du soutien, ou pour témoigner, je vous invite à faire une demande d’adhésion à ce groupe (groupe fermé qui nécessite la validation de votre inscription). Les choses avancent!
Je finis avec un vœu, celui de trouver un jour un autre nom pour cette expérience, « fausse couche », comme s’il y avait quelque chose de faux là-dedans…Si vous avez des idées, elles sont bienvenues!!
Article mis à jour le 28 juillet 2018